Sans titre, (autoportrait), 2 mn, vidéo VHS  boucle, 1996-1997

 

Cette vidéo du clown (1996) s’est construite à partir d’une intuition et sur une relation avec ma propre image du visage devant le miroir, le masque du « je-jeu » se faisant dans la mise en scène de l’image. Face au miroir je prenais place dans un tableau : je me regardais en train d’être regardée, je jouais à celle qui se regarde et que l’on regarde ; le miroir opérant cette duplication.

Remplacer mon visage par un autre visage, une autre identité qui était moi et en même temps séparée de moi. Grâce à ce masque j’étais en retrait, je n’étais pas impliquée, tout était autorisé : le masque me masquait. Je regardais ce double comme le spectateur pouvait le faire. Le masque offrait un nouvel espace devant la caméra où s’incarnait la figure, mais permettait aussi de donner corps au désir de représenter et de jouer ce double. Il capturait ma propre image, — l’image en état de ressemblance qui fait « comme » — qui disparaissait parfois sous mes crachats d’eau, sous la buée formée sur le miroir. Par l’intermédiaire et l’artifice du masque du clown je m’adressais à mon propre reflet (positionnée de profil la caméra était dirigée de telle sorte que le profil apparaisse en double sur le miroir). Un jeu de deux heures alors commençait entre moi et mon image à la fois autre et même, entre la reconnaissance et la méconnaissance de soi avec une jubilation à jouer sur cette identité. Je grimaçais, embrassais mon image, la rejetais, l’enfumais, lui adressais un bras d’honneur. Je lui parlais, je me parlais. Je riais. Je me faisais rire et surprendre. La caméra était focalisée sur mon visage : rien ne lui échappait, rien ne m’échappait : c’était un face à face « régressif », primaire, improvisé où je « mourrais de rire », dont il ne restera, dans le montage accéléré et mis en boucle, que deux minutes.