Le fragment du corps moulé, parfois photographié, le corps qui s’effondre, réduit à une dépouille, la figure qui s’efface – mais pas complétement – se regardent comme les bribes d’une mémoire où coexiste un double mouvement : le contact et la séparation, la perte, la présence et l’écart, l’absence.

 

La présence de l’empreinte, celle du corps en creux, signale que rien ne sera plus jamais comme avant : le moule est l’absence même, mais présente, du modèle. Le moulage dit ce qui est. Il dit le « mort » par son empreinte vivante : ce que j’ai moulé, photographié cet « incomparable air de vie » a disparu. Irrémédiablement.

 

Pièces à conviction qui calment la disparition et la perte, les empreintes, les fragments moulés, le travail parfois sériel conspirent contre l’oubli, attestent d’un passage et d’une présence dont je refuse qu’ils passent, s’effacent. La séparation définitive est insupportable. C’est dans la présence de la figure dé-posée, devenu fragment de mémoire et dans son absence que se dialectise alors l’inacceptable et devient possible son acceptation.

 

L’impossibilité de ralentir le cycle du temps impose toujours dans l’expérience le sentiment d’une urgence. Je suis (souvent) en colère. Mon travail est résistance.  Il pose un regard mélancolique sur les choses qui changent, passent, nous échappent. Rien ne s’arrête, rien n’est défini de façon satisfaisante. C’est une réalité qui se fait à travers celle qui se défait. Une avancée se noue sur ce qui s’use ou se troue.

 

Faire contrepoids à cette ombre omniprésente.

 

Choisir dans les différentes ouvertures possibles, à travers le cortège des images, des figures, des choses obsédantes et trouver, provisoire, fragile et lacunaire, une réponse.