Rapport sur la soutenance de la thèse de Madame Judith Avenel sous la direction de Madame Hélène Sorbé
« Si tu meurs je te tue »
Temps, absence et mémoire
François-René Martin souhaite pour commencer dire tout le plaisir qui est le sien de participer à ce jury de soutenance de la thèse de Judith Avenel. Il se souvient avoir rencontré et échangé quelques années auparavant avec elle, à Bordeaux, et veut donc saluer l'achèvement de ce travail.
F.-R. Martin souhaite insister sur le parcours de J. Avenel, rappelé de manière opportune dans l'introduction, laquelle ressemble beaucoup à un témoignage personnel, ce que l'on appelle dans le jargon universitaire une « égo-histoire ». On y apprend que le point d'origine du travail se situerait dans l'atelier d'été (1993) dirigé par Thierry de Duve à l'École des Beaux Arts de Bordeaux, une expérience quasiment historique pour les écoles d'art en France, en raison de son caractère expérimental. Une pièce, Le corps amoureux, faite d'os, de poils, de cheveux, de dents, est en quelque sorte le point de départ du travail qui associe donc un travail plastique et une réflexion un peu polyphonique, laquelle fait appel à l'esthétique, la philosophie, la sociologie ou encore l'histoire de l'art. L'atelier et la trajectoire existentielle de J. Avenel sont présentés de manière liminaire comme une matière à explorer ; ils reviennent en conséquence au fil du texte comme des motifs primordiaux. Ce n'est pas sans effet pour le lecteur : la problématique que l'on est en droit d'attendre est un peu difficile à saisir, parce qu'esquissée. Bien entendu, une thèse dans la mention « arts » n'est sans doute pas soumise aux protocoles un peu lourds des sciences historiques ou des sciences humaines, mais cela donne au travail une allure un peu labyrinthique. [...]
Trois grands motifs sont posés dans le corps du texte, une fois l'introduction passée : 1) le moulage; l'empreinte; l'absence. La succession des sous-parties à l'intérieur des trois volets de ce « triptyque » constitue la thèse, son « corps » si l'on
peut dire, qui relève d'une logique de cheminement où sont agrégées des œuvres; celles des artistes qui habitent l'univers esthétique de Judith Avenel et qui se mêlent avec les extraits des
livres. Tout cela donne à l'ensemble l'allure d'un grand herbier personnel, plein d'originalité, mais où l'on peine parfois à trouver les traverses
qui porteraient l'ensemble. François-René Martin précise toutefois qu'il a lu le travail en se dédoublant. L'historien de l'art qu'il est a parfois cherché l'ordre des œuvres; l'enseignant des
Beaux-Arts, qui dirigea une formation doctorale pour des artistes, est cependant très sensible à l'effort théorique et poétique dont la thèse témoigne de manière très évidente et qui est
considérable. La thèse est tout la fois réflexive et poétique. Il relève notamment la proposition, très riche, dans un développement qui se situe à la fin du travail, et qui semble résumer sinon la méthode du moins son principe intellectuel : « L'écriture
n'est donc pas ici l'œuvre. Elle est méta-espace -possible et en cours -de présentation et de renvoi à l'œuvre : le texte est une forme de recueil critique de points de
vue, d'informations, une sorte de
parchemin- une peau servant de support à l'écriture- qui s'élabore, se construit et se déploie à partir de l'œuvrer, de l'ouvrage, de l'œuvre » (p. 424). François-René Martin souhaitait alors
interroger Mme Judith Avenel sur la place qu'occupe l'histoire de l'art dans le « creuset épistémologique » qui lui a servi à penser sa thèse ? Quel est le genre de la démarche mobilisée ? Que
représente, dans le tissu des lectures, l'histoire de l'art non pas comme domaine mais comme
discipline? Que des auteurs comme Julius von Schlosser et d'autres grandes figures de la Kunstwissenschaft apparaissent dans le texte autorise à
s'interroger sur l'importance que peut avoir ce grand corpus théorique dans la thèse. Ce corpus pourrait à ce titre être enrichi, notamment par la lecture du livre de Jean François Corpataux, Le Corps à l'œuvre (2012), traversé par la question de l'angoisse - question qui traverse la
thèse de Judith Avenel. Ainsi les recherches de l'histoire de l'art sur le moulage rejoignent-elles celles de la candidate, construites à partir d'un
tout autre corpus d'œuvres d'art et de textes théoriques. Ce n'est pas une des moindres qualités du travail qui est proposé à la discussion
aujourd'hui que de rejoindre, dans un cheminement tout autre, des problèmes posés par les dix-neuvièmistes.
Pour finir, et après avoir écouté et jugé satisfaisantes les réponses de J. Avenel,
François-René Martin souhaite redire tout l'intérêt et le plaisir qu'il a eu à lire la thèse de la
candidate, une véritable somme à la fois personnelle, poétique, nourrie de lectures considérables.
François-René Martin
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